Le fondateur d’Alibaba revient dans les petits papiers des autorités chinoises après des années de traversée du désert.
Le 17 février dernier, Jack Ma participait à un symposium sur les entreprises privées chinoises, assis aux côtés d’autres grands patrons, face au président Xi Jinping. Pour cet entrepreneur de 60 ans, partager la même salle que le dirigeant suprême du pays et lui serrer la main représente un moment symbolique fort.
Un événement significatif tant pour lui-même que pour l’ensemble des milieux d’affaires chinois. En effet, Jack Ma n’est pas un acteur ordinaire du secteur privé chinois. Surnommé le « Steve Jobs chinois » par certains, il s’est imposé, grâce à sa plateforme de commerce en ligne Alibaba, comme l’un des plus grands symboles du rayonnement économique de la Chine à l’international.
Figure incontournable pendant des années à Pékin, il avait brutalement chuté de son piédestal pour finalement disparaître des radars vers 2021. Sa réapparition lors de cet événement de février marque donc une véritable renaissance, comme l’ont souligné de nombreux observateurs.
De la disgrâce à la réhabilitation
Les relations entre les autorités et Jack Ma ont commencé à se détériorer dès octobre 2020. Lors d’une conférence à Shanghai, l’entrepreneur avait osé critiquer ouvertement le régulateur financier chinois, l’accusant de conserver « une mentalité de prêteur sur gages » freinant l’innovation.
Une témérité qui lui a coûté cher. L’introduction en Bourse d’Ant Group, la filiale financière d’Alibaba fut annulée. Accusée d’abus de position dominante, le mastodonte Alibaba fut frappée d’une amende colossale de 2,33 milliards d’euros en 2021. De quoi la contraindre désormais à une scission en plusieurs petites sociétés.
Parallèlement, Jack Ma disparaissait pratiquement de la vie publique chinoise, laissant la direction opérationnelle du groupe de e-commerce à ses lieutenants.
« À l’époque, la Chine avait réussi à mettre le Covid-19 sous contrôle, l’économie allait bien, tandis que l’Occident était en plein chaos, donc il y avait une sorte d’hubris« , analyse auprès du Monde, Duncan Clark, dirigeant du cabinet de conseil BDA en Chine et auteur d’une biographie de Jack Ma.
L’IA comme nouvel horizon stratégique
Depuis, l’eau semble avoir coulé sous les ponts. Surtout, l’économie tire à nouveau la langue, affectée par les contrecoups de la pandémie et de la crise immobilière déclenchée en 2020, comme l’indique le quotidien du soir.
À cela s’ajoute le retour à la tête des États-Unis de Donald Trump et ses velléités expansionnistes manifestement sans précédent. Autant de choses qui semblent avoir convaincu la Chine de renouer avec ses figures les plus prometteuses.
La démarche est d’autant plus cruciale que la compétition mondiale s’intensifie dans l’intelligence artificielle. Un domaine où Alibaba s’est imposée, avec le cloud et son modèle génératif baptisé Qwen.
« Cela marque un changement notable dans la position du gouvernement à l’égard du privé. Les entrepreneurs, même ceux qui étaient considérés comme controversés, peuvent encore contribuer à la nouvelle phase de croissance de la Chine, en particulier dans l’IA et la fabrication de puces », décrypte Marina Zhang, maîtresse de conférences à l’université de Sydney en Australie, dans les colonnes du Monde.