Médias : le Télégramme se déchire

Les journalistes se rebellent contre le virage à droite du journal, orchestré par le directeur de l’information Hubert Coudurier. Dernier épisode en date : un éditorial défendant le milliardaire Vincent Bolloré.

Où va le Télégramme ? Cette interrogation hante probablement de nombreux journalistes de ce pilier de la presse régionale, qui diffuse 161 000 exemplaires quotidiennement. La raison : les prises de position éditoriales controversées du directeur de l’information Hubert Coudurier.

Le journaliste, également administrateur du Groupe Télégramme, divise la rédaction par ses écrits. Un éditorial intitulé « Stop à l’agit-prop anti-Bolloré » a ainsi récemment mis le feu aux poudres, suscitant une vive réaction des journalistes.

Dans ce texte publié le 25 mai dernier, le Morlaisien de 67 ans prend ouvertement la défense de Vincent Bolloré, allant jusqu’à saluer sa « contribution au pluralisme des idées dans un pays longtemps soumis à une certaine doxa médiatique ».

Cette sortie fait suite à une manifestation organisée la veille par plusieurs collectifs écologistes et antifascistes – Lever les voiles et les Soulèvements de la Terre notamment – sur l’île du Loch, dans l’archipel finistérien, contre l’industriel breton, propriétaire des lieux.

« Mieux vaudrait que Bolloré ne plie pas bagages »

« Vincent Bolloré, qui a redressé de manière remarquable son entreprise familiale, incarne comme Pinault, Leclerc, Le Duff et beaucoup d’autres la réussite bretonne, dont ses nombreux salariés peuvent s’enorgueillir. Mieux vaudrait pour eux que Bolloré ne plie pas bagages, comme il l’a fait en Afrique », écrit Hubert Coudurier.

La réaction ne s’est pas fait attendre. La Société des journalistes du Télégramme (SJT), qui représente la moitié des 220 rédacteurs de l’entreprise, a dénoncé deux jours plus tard un éditorial « trompeur » dans une communication publique.

« L’affaire était trop sérieuse et le fait qu’Hubert Coudurier s’exprime au nom de l’ensemble du Télégramme pour prendre parti pour Vincent Bolloré a heurté une large proportion de nos adhérents« , indique le syndicat au quotidien Libération.

En plus de rappeler « la stratégie de conquête déployée par Bolloré dans le secteur médiatique pour servir son idéologie et ses intérêts », ainsi que « ses intimidations et menaces » envers des journalistes, la SJT reproche à Hubert Coudurier d’avoir omis de préciser sa collaboration avec le milliardaire.

Le spectre d’un virage conservateur

Le directeur de l’information officie en effet comme chroniqueur sur CNews, la chaîne de télévision appartenant à Bolloré. L’indignation de la rédaction est d’autant plus grande que cet éditorial s’inscrit dans une série de prises de position révélatrices du glissement conservateur de leur journal, réputé pour sa ligne équidistante.

« Son parti n’a plus rien de fasciste, ni de raciste, l’antisémitisme ayant basculé du côté de l’islamo-gauchisme« , avait ainsi écrit Hubert Coudurier au sujet de Marine Le Pen, en pleine campagne des législatives 2024, comme le rappelle Le Monde.

Face à la grogne grandissante, le directeur de l’information promet une rencontre en Bretagne avec les représentants de la SJT pour « dissiper » cette tension qu’il attribue à un « clivage entre générations ». Il exclut toutefois tout mea culpa et assume pleinement son évolution.

« La société bouge. Le paysage politique est mouvant. Nous ne pouvons pas rester figés sur l’héritage démocrate-chrétien breton« , déclarait-il le 31 mai dans des propos rapportés par le quotidien du soir.

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