Interrogé à propos de l’organisation de la présidentielle en Ukraine, Volodymyr Zelensky a répondu que ce n’est pas le bon moment. Pour lui, la défense de son pays passe avant les questions de démocratie, dans le contexte actuel de guerre avec la Russie. L’argument tient-il ?
Pas pressé pour aller aux urnes. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré lundi que « ce n’est pas le moment pour des élections » dans son pays. Cette sortie réalisée dans le cadre de son allocution quotidienne intervient en plein débat politique en Ukraine sur la possibilité d’organiser des élections en temps de guerre. Normalement, les législatives devaient avoir lieu en octobre dernier et la présidentielle est prévue en mars 2024.
Absolument irresponsable d’en parler en ce moment…
Volodymyr Zelensky a dit être « prêt » à organiser des élections dans son pays en temps de guerre, « si le peuple en a besoin ». Cependant, il trouve « absolument irresponsable de lancer le sujet des élections dans la société de manière légère et enjouée en temps de guerre, et alors que les défis sont nombreux ». Selon lui, il n’y a pas de place pour les querelles politiques actuellement. « Nous devons nous rassembler, ne pas nous diviser, ne pas nous disperser dans des querelles ou d’autres priorités », a-t-il exhorté.
Le problème de la loi martiale
Volodymyr Zelensky pense que « l’heure est à la défense, à la bataille, dont dépend le sort de l’État et du peuple, et non à la farce, que seule la Russie attend de l’Ukraine ». Bien sûr, le président ukrainien accuse le Kremlin d’être à l’origine de cette situation. Sans Poutine et son invasion, rien de tout ceci ne serait arrivé. Malheureusement, la guerre a dressé plusieurs obstacles sur le chemin des élections. En premier lieu la loi martiale, qu’il faudra modifier pour permettre l’organisation de scrutins, car la Constitution interdit d’organiser de telles échéances sous ce régime.
Manque d’infrastructures, vote en ligne, soldats au front…
Zelensky évoque aussi le manque d’infrastructures (bureaux et centres de vote) à cause des destructions. En outre, il relève la question des millions de réfugiés ukrainiens à l’étranger. Ceux-là devraient voter en ligne, un système qui n’existe pas encore en Ukraine. Par ailleurs, le président ukrainien interroge sur le vote de dizaines, voire des centaines de milliers de soldats au front. Enfin, il brandit l’occupation de 20% du territoire par la Russie. L’homme fort de Kiev se demande si le vote des citoyens de cette zone sera démocratique et si les observateurs internationaux pourront bien faire leur travail.
Les Etats-Unis mettent la pression sur leur allié
Malgré ces difficultés, Zelensky étudierait et pèserait le pour et le contre d’une élection présidentielle, si l’on en croit son ministre des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba. Mais les partenaires de l’Ukraine s’impatient. Ils pressent le pouvoir de mettre en place les conditions minimales pour la tenue des élections. Les Etats-Unis, en particulier, multiplient les appels du pied pour pérenniser les piliers de la démocratie malgré les hostilités. Et ils n’ont pas tort. Il y a bien moyen d’organiser des scrutins dans cette Ukraine relativement stable hors Donbass et Crimée.
Aura-t-on droit à l’exception Zelensky ?
D’autres pays sont parvenus à relever ce défi dans le même contexte, notamment Israël. Et puis, une potentielle exception pour Zelensky pourrait fortement embêter la communauté internationale. Celle-ci met la pression sur d’autres Etats pour respecter le calendrier électoral. Par exemple le Mali, confronté aux problèmes, mais dont la levée des sanctions est conditionnée à l’organisation de la présidentielle. D’ailleurs, si Zelensky se réfugie derrière la guerre, il pourrait durer longtemps au pouvoir. En effet, le conflit risque de s’éterniser vu le statut quo actuel. Le front n’évolue plus depuis plusieurs mois, et les Russes semblent avoir bétonné leurs lignes de défense.